Le traumatisme émotionnel, le colonisateur de l’être

Le traumatisme émotionnel, le colonisateur de l’être

L’immortalité du traumatisme émotionnel

“Le traumatisme émotionnel est comme un fantôme qu’au delà des contraintes spatio-temporelles nous hante dans la pénombre de sa noirceur . Même s’il a cessé d’exister depuis longtemps, ce fantôme survie à la mort en demeurent au chaud , quelque part en nous-mêmes . Certaines personnes peuvent entendre le bruit provoqué par ses chaînes lorsqu’il se déplace d’une émotion à une autre ;  d’autres personnes peuvent le voir à travers les flashbacks, les rêves ou simplement à travers son reflet dans le miroir de notre âme ; tandis que d’autres personnes encore peuvent percevoir la froideur de son âme ou l’aridité de son souffle  . Parfois nous avons conscience de sa présence mais nous le craignons tellement que nous évitons de croiser son regard et nous le laissons nous emprisonné avec ses chaînes ; d’autres fois nous n’avons pas du tout conscience du battement de son coeur en nous.

Cependant, que nous n’ ayons conscience ou pas, à chaque jour qui passe, à cause de la peur ,nous laissons ce fantôme devenir de plus en plus fort jusqu’à lui faire coloniser notre psychisme , notre cerveau ainsi que notre corps.  Et à force de craindre ce fantôme nous devenons ses esclaves ; et à force de respirer la froideur de son souffle, nous mourions lentement de plus en plus de l’intérieur. “ 

                                                               Sofia Rosa Croce 

 

 

Quand le rêve nous protège du réel

Je me souviens comme si s‘était hier le moment que Angélique rentra pour la première fois dans mon cabinet. 

Elle avait une voix tremblante et ses yeux étaient pleins de peur. Je percevais sa souffrance qui s’exprimait à travers son corps épuisé par toute la violence qu’il avait subit à cause de son papa ; et je ressentais ses cries par les biais de son regard à la fois fuyant et à la fois si coupable. 

 

 

Angélique était une jeune femme de 23 ans quand je l’ai connu . Elle avait décidé de me consulter parce que malgré les années passées à exprimer sa douleur aux psychiatres et aux psychologues ,son sentiment d’incompréhension et d’isolement ne cessaient pas de croître.  

 

Quand je lui ai posé la question “ pourquoi ressentez vous un sentiment d’incompréhension en vous-même?”, avec les yeux remplis de solitude  , Angélique m’a répondu :“ parce que personne n’arrive à comprendre d’ou ça vient mon problème et j’ai l’impression d’être différente du reste du monde  !”.

En entendant cela, j’ai ressentie son isolément et son impuissance face à sa douleur. Au même temps, je ne cessais pas de me répéter que, pour un phénomène de dualité,  s’il y a un problème il y a forcément une solution et surtout s’il y a un dysfonctionnement  il y a inévitablement une origine  ! 

C’est ainsi que je me suis préfixé l’objectif d’entendre les cries de sa souffrance pour en décrypter le message et comprendre ce qu’il se cachait derrière ses troubles psychiques. Et puisque je suis convaincue que la maladie arrive pour nous protéger d’une menace , je voulais aussi définir les menaces desquelles Angélique se protégeait . 

La mémoire du traumatisme refoulé

Afin de définir le choc émotionnel qui était à l’origine de ses troubles je lui a posé la question :

“ Vous souvenez-vous à quelle âge vous avez commencé à être suivie par les psychiatres et les raisons pour lesquelles vous avez avancé cette démarche ? “.

C’est ainsi qu’avec le regard plein de tendresse, Angélique m’a répondu :

“J’avais dix ans et j’étais au parc avec mes amis quand soudainement un ballon m’a effleuré la tête . Je n’ai pas eu de réactions dans l’immédiat mais quelques minutes plus tard j’ai commencé à avoir le sentiment que rien autour de moi était réel. J’ai eu peur et j’ai couru à la maison pour le dire à ma maman. Quand nous sommes allées voir le psychiatre, il m’a diagnostiqué les symptômes de la déréalisation ». 

 

Le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux,  nous dit que la déréalisation provoque le sentiment persistant ou récurrent que l’environnement n’est pas réel (p. ex., le monde environnant ne semble pas réel, la personne a l’impression d’être dans un rêve, se sent distante ou détachée de soi).

Après avoir entendu son expérience, je me demandais :  » Quel est le traumatisme émotionnel évoqué inconsciemment dans le psychisme d’Angélique par le contact du ballon avec sa tête? »

Cette question évoquait en moi une multitude de raisonnements.

Quand le réel devient un rêve

Pour commencer, je m’interrogeais sur la nature du choc émotionnel à l’origine de la déréalisation. Pour que le cerveau choisisse de « déréaliser le réel », la menace qu’il perçoit doit forcement provoquer un sentiment de danger imminent de mort. Cela dit, la déréalisation serait donc un symptôme qui protège l’individu de la menace pour le garder en survie.

Cependant, quand Angélique a ressentie ce sentiment pour la première fois elle était au parc avec ses amis. Elle était donc en sécurité puisqu’elle était heureuse de jouer avec eux. Par conséquent, le seul élément de l’expérience qui aurait pu perturber son état interne était l’effleurement du ballon, j’en étais sure!

Cependant, j’avais besoin de comprendre la nature du traumatisme émotionnel refoulé et évoqué par le ballon.

Tout ce qu’il me restais à faire c’était donc de chercher dans son histoire personnelle les souvenirs dans lesquels elle avait été battue à la tête par son papa, un homme très violent. Néanmoins, bien qu’elle remémorait de nombreuses expériences de violence physique , aucune parmi celle-ci semblaient évoquer le traumatisme d’origine . 

Je repassais donc dans ma tête le film de son expérience encore et encore,  quand soudainement j’ai eu une intuition qui m’a permis d’identifier enfin, le choc d’origine . 

Voici mon raisonnement :

Angelique se sentait en pleine sécurité lorsqu’elle était au parc avec ses amis. Néanmoins, soudainement, un ballon  l’a effleuré la tête et elle s’est sentie en danger imminent. La menace a été si imposante que son cerveau a du transformer le réel en un rêve. Et si Angelique avait intégré le traumatisme d’origine lorsqu’elle était un foetus ? Et si le ballon avait juste éveillée une peur qui avait été toujours présente en elle ?

Je me disais qu’en associent  la représentation du parc entendu comme cocon de sécurité au ventre maternel j’aurais trouvé la solution.

 

Le ventre maternel, le tanière de la peur

Cette intuition sonnait si fort dans ma tête qu’elle m’avait convaincue de sa véracité .

Cependant, je n’avais pas envie de lui poser tout de suite des questions concernantes la grossesse de sa maman. J’avais donc décidé de prendre encore quelques moments, avant de la conduire à se reconnecter avec sa peur pour enfin la comprendre et s’en libérer .

 

En plus, Angélique était si déconnecté de son corps qu’elle n’aurait pas pu ressentir pleinement sa douleur. Avant de produire les symptômes de la déréalisation, le cerveau génère d’abord la dissociation et la dépersonnalisation. Ces deux phénomènes provoquent une scission de l’être en séparent le corps de l’esprit. Cela sert à déconnecter la personne de la souffrance qui l’envahit et à l’éloigner des dangers qui la menacent.

Afin de comprendre le niveau de progression de ces symptômes dans son corps, je lui ai demandé de me parler de son histoire, de la relation avec sa famille et surtout je l’ai invité à me parler de son enfance. 

Angélique avait peur de répondre à ces questions et lorsqu’elle a commencé à me parler des violences subies par son père lors de son enfance j’avais l’impression que son corps était sans âme. Elle me parlait de ces moments de peur sans pourtant éprouver aucune émotion. 

Plus je l’observais et plus je me rendais compte que ses gestes et ses mots manquaient de présence. Son récit était sans expression et sa voix n’émettait aucune vibration. 

Elle me parlait de la froideur de sa mère et de sa complicité avec son mari en se sentant coupable d’avoir gâche leur vie. Au fond de son coeur, elle pensait de mériter d’être battue car elle était coupable d’exister . 

A chaque fois que je lui posait des questions qui interpellaient sa souffrance,  Angélique se repliait sur elle-même et avec ses bras bloquait son plexus. Je me rendais de plus en plus compte qu’elle essayait à tout prix de fuir ses émotions pour se cacher de son histoire et éviter sa douleur. 

A ma question “ Sauriez vous me définir la nature de l’émotion que vous ressentez lorsque je vous pose des questions concernant votre vécu ?” Angélique répliqua : “ je ne sais pas… c’est plutôt la douleur physique que je ressens”.

Je lui ai donc demandé : “Lorsque vous évoquez un souvenir douloureux , vous vous percevez comme en étant dans la scène ou vous êtes un simple observateur des faits ?”. 

La jeune fille répliqua : “ A chaque fois je me vois de l’extérieur”. 

J’ai répliqué à cela en disant : “ Très bien. Maintenant je voudrai savoir si vous réussissez à identifier vos émotions . P.ex. , lorsqu’une émotion vous envahit, sauriez vous définir sa nature et dire s’il s’agit de colère, de joie, de tristesse ou tout autre chose ?”.

Angélique répondit à cela en disant : “Non, tout ce que je ressens est une douleur dans la poitrine”.  

Quand les émotions s’expriment à travers la douleur physique

Grâce à ces petites questions j’avais pu comprendre ce qu’il se passait dans le monde intérieur d’Angelique. 

Je me suis rendue compte que pas seulement j’étais devant une personne qui souffrait de dissociation ,de dépersonnalisation et de déréalisation mais néanmoins, Angélique subissait aussi les conséquences de l’alexithymie. 

L’alexithymie est un trouble dans la régularisation des émotions. Ce trouble représente un énorme risque de mortalité pour le sujet qui en souffre puisque il s’agit d’un facteur qui déclenche des dysfonctionnements somatiques et psycho-pathologiques.

En effet, le déficit dans l’élaboration de l’information émotionnelle provoque aussi un dysfonctionnement dans la structure cognitive qui traite et adapte l’émotion . Mais je vous parlerai de l’alexithymie dans un autre article. 

Pour le moment, je voudrai vous parler d’Angelique.

Un corps en danger est une menace pour le psychisme

Je savais que je ne pouvais pas atteindre le monde psychique d’Angelique si son corps se sentait menacé.

Ce que la plupart des personnes ne sait pas c’est que la peur et les émotions négatives s’enregistrent dans notre corps comme des marquers somatiques. Toutes les peurs et les angoisses que nous avons vécues et refoulées sont enregistrées dans nos tensions musculaires et dans nos cellules.

Par conséquent, il suffit que le cerveau perçoit inconsciemment une menace pour que ces marquers s’activent et le corps subit le syndrome de stress post-traumatique. Cela dit, je ne pouvais faire rien d’autre que libérer le corps d’Angelique de ces mémoires pour qu’elle puisse se sentir plus en sécurité à l’extérieur et à l’intérieur d’elle.

Je me souviens que j’ai donc terminé notre consultation en lui fessant un soin corporel. En particulier, j’ai travaillé sur les mémoires enregistrées dans son nerf vague et sur celle situées dans son cou et dans sa gorge. Et puisque le siège de la peur est le ventre, j’ai procédé ainsi à un soin sur cette partie de son corps.

A la fin du soin j’ai pris mon bol à clés pour qu’elle puisse choisir une clé au hasard. Je pars du supposé que nous avons en nous-mêmes la clé pour accéder à toutes les ressources dont nous avons besoin pour réussir. Par conséquent, je pense qu’il n’y a rien qui nous arrive sans que nous pouvons le surmonter et si nous nous sentons perdues c’est juste parce que nous avons abandonné notre clé. Je demande donc à chaque personne que j’accompagne d’en choisir une en lui disent : « A chaque fois que vous vous sentez perdue dans une impasse et vous pensez de ne pas y arriver, souvenez vous que vous avez une clé dans votre coeur qui vous donne accès à toutes les portes ».

Angelique fut très contente de choisir la clé de son coeur et j’étais sure que, comme pour les autres, ce symbole lui aurait donné la force dont elle avait besoin pour faire face aux fantômes de son âme.

Angelique quitta mon cabinet en ayant une allure très calme et détendue. Elle avait hâte de venir me voir la semaine prochaine et je vous avoue que moi aussi j’avais envie de la revoir très vite.

Lorsque je l’ai accompagné à la porte je lui ai dis « A chaque fois que vous percevez la réalité comme un rêve , répétez-vous à voix haute : « je suis en sécurité! » . Et quand vous prononcez ces mots, prenez votre clé dans votre main, serrez la fort et souvenez vous que vous avez un pouvoir en vous qui attend d’être dévoilé .

Avec un sourire plein d’amour et la voix d’un enfant , Angélique se jeta dans mes bras pour me dire « merci ».

Quand la guérison devient une menace

Une semaine s’était écoulée depuis ma première rencontre avec Angelique. Je l’attendais avec impatiente. Quand elle est rentrée dans mon cabinet, je l’ai accueilli avec un grand câlin et en la touchent, j’avais l’impression qu’elle était plus légère.

Je lui ai offert une tisane et je l’ai invité à s’assoir. J’avais très envie de savoir comment elle avait vécu sa semaine. Je lui ai donc demandé :  » Ma chère petite Angelique, avez vous ressenti des différences dans votre manière d’être ou de percevoir l’environnement ? ».

Angelique répliqua :  » Oui! Etonnement je me sens plus en sécurité . Ainsi, la clé et la suggestion « je suis en sécurité  » m’ont permis de mieux gérer la déréalisation ».

J’étais très heureuse d’entendre cela puisque, son état de sécurité me permettait de la conduire à l’origine de son problème.

Je lui ai donc posé la question : »Est ce qu’il vous êtes déjà arrivé de discuter avec votre mère de sa grossesse ? Savez vous si par hasard, il s’est passé quelque chose lorsque vous étiez un foetus? »

Très étonnée de ma question, Angelique répliqua : « Oui, quand ma maman était à son 6mois de grossesse, mon père lui a donné un coup de pied dans le ventre ».

Ses mots résonnaient si fort en moi que j’étais sure d’avoir trouvé « le traumatisme émotionnel à l’origine du trouble ».

Régresser dans le passé pour aller à la rencontre de la peur …

Je vous avoue que ça été une phase délicate celle durent laquelle j’ai conduis Angelique à la compréhension de son malêtre. Je lui ai expliqué que l’effleurement du ballon contre sa tête avait ainsi évoqué le coup de pied perçue dans sa vie intra-utérine; et que ce choc avait ainsi réveillé toute la peur refoulée. Néanmoins, lorsqu’elle était en toute pleine sécurité dans le ventre, Angelique avait perçue le danger imminent de mort sans pourtant avoir une voie d’issue. La peur de mourir a été si forte que la fille a cru que sa maman aussi était en train de mourir à cause d’elle. Et ce sentiment de culpabilité ainsi que la peur de la mort continuaient à la persécuter , même au bout de 23 ans.

Quand Angelique a compris la nature de son fonctionnement inconscient, je l’ai faite régresser sous hypnose dans sa vie foetale pour une libération psycho – émotionnelle et énergétique de ces mémoires .

A la fin de la séance ,la jeune fille était heureuse d’avoir résolu le souci . Cependant, je percevais la tristesse et la peur au fond de ses yeux.

La maladie, une protection « de la vie »

J’été convaincue qu’Angelique utilisait son symptôme de déréalisation pour se protéger de la vie, elle-même. Lors de mes conversations avec elle , j’avais pu comprendre que tant qu’elle était malade , elle aurait pu bénéficier du soutien de sa famille . Et bien que son environnement représentait un danger pour elle, c’était dans ce milieu qu’Angelique se sentais le plus chez elle. Elle n’avait aucune envie de quitter son nid car inconsciemment elle espérait toujours de recevoir l’amour et l’acceptation de ces parents. Sa maladie lui permettait donc de rassurer son sentiment d’abandon .

Néanmoins, il n’y avait pas que ça !  Angelique avait appris à survivre à son environnement en se protégeant des menaces grâce à ses troubles. Qui l’aurait donc protégée si elle serait guérit ? Et qui l’aurait soutenue si elle aurait été prête à être lâchée dans la nature ?

Dans mon coeur je sentais que bien qu’Angelique voulait se libérer de ses troubles mais elle les gardait en elle avec une telle force que je n’aurai pas pu arracher les cailloux de ses mains pour lui faire ramasser les diamants. Je savais que malgré le fait que la fille était baigné par sa souffrance, paradoxalement c’était cet état que lui exprimait la sécurité. Tandis que le bonheur représentait l’inconnu et donc la peur.

J’ai fini ma deuxième rencontre avec elle en l’accompagnement à la compréhension de ses modes de fonctionnement. Ainsi, j’ai voulu lui faire comprendre qu’il n’y avait rien qui clochait en elle et que si elle n’arrivait pas à se relever c’était à cause des mémoires traumatiques qui avaient modifié sa neurologie.

Bien qu’Angelique ait pris un rendez vous pour la semaine suivante, elle n’est jamais plus revenue me voir. Cependant, au fond de mon coeur je sais que lorsqu’elle sera prête à s’autoriser à la vie , elle reviendra me voir. En attendent que ce merveilleux jour arrive, je l’enveloppe à chaque jour d’amour et de lumière.

 

Sofia Rosa Croce , thérapeute holistique.